Comment prendre soin du microbiote de sa peau ?
J’ai envie de mettre à l’honneur la peau dans cet article. Mine de rien, il s’agit de notre organe le plus étendu, la peau nous recouvre entièrement et nous protège de bien des choses. Seulement, elle a aussi son propre équilibre qui est fragilisé de différentes façons. Notre peau possède son propre microbiote, le microbiote cutané. Cette flore est différente de celle que nous avons dans l’intestin ou dans la bouche. Chaque microbiote de notre corps a sa propre signature pour une raison : ils ne gèrent pas les mêmes choses. Concernant la flore cutanée, nous allons voir comment la soutenir un maximum naturellement pour avoir une peau rayonnante de santé et protectrice.
Présentation du microbiote cutané
La fonction première de la peau est de servir de barrière physique naturelle face à notre environnement. Elle empêche les microorganismes et substances toxiques de pénétrer dans l'organisme. Pour remplir ce rôle, elle doit être robuste et armée des meilleurs soldats.
Notre peau est colonisée par des bactéries, champignons et virus. Ces éléments ne sont pas pathogènes, ils sont dits symbiotiques : ils nous aident (en aidant la peau) à nous défendre face aux envahisseurs pathogéniques, et en échange, nous leur assurons de la nourriture (la fameuse « peau morte » et le sébum). Ils participent aussi à éduquer notre système immunitaire pour le rendre plus performant au cours de notre vie.
La symbiose : association biologique, durable et réciproquement profitable, entre deux organismes vivants.
Dictionnaire Le Robert
Tout comme la flore intestinale, c’est un écosystème qui nous profite, il faut donc le respecter. S’il y a rupture de l’équilibre, des maladies de peau peuvent s’installer, et sa fonction de barrière naturelle pourrait être compromise, laissant l’opportunité à des infections de s’installer confortablement.
Différentes zones, différents habitats
Les sites cutanés humains peuvent être classés selon leurs caractéristiques physiologiques, c'est-à-dire selon qu'ils soient sébacés (gras), humides ou secs. Structurellement, la peau est composée de deux couches distinctes : l'épiderme et le derme (ci-dessous).
La couche la plus externe (l'épiderme) est composée de couches de kératinocytes différenciés. La couche supérieure, ou couche cornée, est composée de kératinocytes énucléés et différenciés en phase terminale (également appelés squames) qui sont chimiquement réticulés pour renforcer la barrière cutanée.
Sur la base de ces caractéristiques, les zones peuvent être regroupées en grandes catégories :
- sébacées ou grasses (visage, décolleté et dos)
- humide (pli du coude, arrière du genou et aine)
- sec (avant-bras palmaire et paume)
En fonction de la zone cutanée, et de quoi elle est constituée (glandes sudoripares, follicules pileux, glandes sébacées...), nous n'aurons pas la même composition microbienne. Les zones riches humides par exemple, qui comportent davantage de glandes sudoripares, vont être aisément acides. Cela crée un environnement inhospitalier pour la colonisation et croissance de certains micro-organismes. Les zones plus riches en sébum (cheveux, visage) sont elles recouvertes de sébum, un liquide gras hydrophobe riche en lipides qui nourrit et protège aussi des envahisseurs. De plus, la sueur contient des molécules antimicrobiennes, telles que des acides gras libres et des peptides antimicrobiens, qui inhibent la colonisation microbienne.
Autrement dit, la peau possède différents outils antimicrobiens totalement innés.
Le microbiote cutané
La plupart des bactéries cutanées appartiennent à quatre phyla (familles) différents :
- Actinobactéries
- Firmicutes
- Bacteroidetes
- Protéobactéries
Ces quatre phyla dominants constituent également le microbiote intestinal ou buccal. Cependant, les proportions diffèrent considérablement : alors que les Actinobactéries sont plus abondantes sur la peau, les Firmicutes et Bacteroidetes sont plus abondants dans l'intestin.
Dans les études sur des adultes en bonne santé, la composition microbienne de la peau s'est avérée dépendre principalement de la physiologie du site cutané, avec des changements associés aux microenvironnements humides, secs et sébacés :
- Les zones à forte densité de glandes sébacées (visage, front, poitrine, dos) favorisent la croissance de micro-organismes lipophiles comme Propionibacterium spp (bactérie) et Malassezia spp (levure).
- Les zones plus sèches (bras et jambes), présentent moins de micro-organismes que les zones humides.
- Les zones partiellement obstruées et humides (aine, voûte axillaire, plis des coudes et des pieds) vont favoriser la croissance des micro-organismes qui prospèrent dans l’humidité : (par exemple, les bacilles à Gram négatif, les Corynebacterium et Staphylococcus aureus).
Facteurs contribuant à la variation du microbiome cutané
De nombreux facteurs individuels entrent en jeu pour la composition de la flore de la peau, entre l'âge, les hormones, le sexe, le climat et situation géographique, l'hygiène, l'alimentation etc. En particulier, les différences physiologiques entre hommes et femmes, comme la sueur, le sébum et la production d'hormones, expliquent en partie les spécificités microbiennes observées entre les sexes.
Aussi, des éléments tels que le mode de naissance (césarienne ou voie basse), la profession, les vêtements, la pollution et les cosmétiques utilisés ont un pouvoir d’impact sur le microbiote cutané. En particulier, les cosmétiques (crèmes, lotions, gel douche, savons…) sont susceptibles de modifier la composition et répartition des populations microbiennes sur la peau. Ces produits peuvent modifier la barrière cutanée, ce qui impactera la flore résidente.
Le taux d’humidité et l’exposition au soleil sont également à considérer. En vivant dans des zones humides (climat, maison), on peut voir une quantité plus élevée de bactéries sur le dos ou les pieds (car être favorable à leur prolifération). La lumière ultraviolette (UV) est un traitement bactéricide bien documenté, et on peut imaginer une variabilité géographique du microbiote cutané en corrélation avec la variation longitudinale et/ou latitudinale de l'exposition aux UV.
L’axe intestin-peau (the gut-skin axis)
La connexion entre la santé intestinale et celle de la peau est connue et investiguée depuis plusieurs années (même s’il reste encore des choses à découvrir). On sait que le microbiote intestinal influence la qualité de la peau à travers le système immunitaire (je rappelle que la majorité de notre système immunitaire part de l’intestin, c’est pourquoi il est l’épicentre de tant de maladies, y compris celles de la peau).
Certains micro-organismes – et leurs métabolites – influenceraient la peau avec leurs effets immunomodulateurs. En fonction de la composition du microbiote intestinal, on pourrait se retrouver dans un contexte soit anti-inflammatoire, soit pro-inflammatoire. En particulier, dans le cadre d’une porosité intestinale, les bactéries et leurs métabolites ont la faculté de rejoindre la circulation sanguine et ils pourraient s’accumuler au niveau de la peau et perturber son équilibre. C’est un phénomène ayant été observé par dosages sanguins chez les patients atteints de psoriasis.
Les acides gras à chaine courte - AGCC - (fermentation des fibres dans l’intestin) jouent un rôle central dans la détermination de la prédominance de certains profils microbiologiques cutanés qui influencent ensuite les mécanismes de défense immunitaire cutanée. Propionibacterium, par exemple, est un genre capable de produire des AGCC, principalement de l'acétate et de l'acide propionique. L'acide propionique peut présenter un effet antimicrobien profond contre le Staphylococcus aureus.
Prendre soin de sa flore cutanée selon ses besoins propres
Les probiotiques
Les effets bénéfiques des bactéries intestinales sur la santé et l'apparence de la peau ont été documentés dans plusieurs études sur les rongeurs et les humains :
- La supplémentation chez la souris en Lactobacillus reuteri a présenté une épaisseur cutanée accrue, une folliculogenèse améliorée et une production accrue de sébocytes qui se sont manifestées par une fourrure plus épaisse et plus brillante.
- Dans une autre étude sur les humains (12 semaines), une supplémentation orale en Lactobacillus brevis SBC8803, a montré une diminution significative de la perte insensible en eau et une augmentation significative de l'hydratation cornéenne.
- Dans une étude humaine, les volontaires qui ont pris des suppléments de Lactobacillus paracasei NCC2461 pendant 2 mois ont présenté une diminution de la sensibilité cutanée et de la perte insensible en eau également.
- Dans une étude en double aveugle contrôlée par placebo, une supplémentation orale en Lactobacillus plantarum HY7714 chez 110 sujets pendant 12 semaines a entraîné une amélioration de l'élasticité cutanée et une hydratation accrue de la peau.
De plus, bien que les AGCC comme le butyrate, ne soient pas probiotiques, il faut noter leurs intérêts pour la santé de la peau indirectement. En effet, ils suppriment la prolifération, la migration, l'adhésion et la production de cytokines des cellules inflammatoires, ce qui pourrait améliorer la qualité de la peau, et donc sa flore résidente.
Prendre soin de sa peau au naturel
Exit les savons hyper agressifs et les 300 lotions à appliquer tous les jours, la peau n’est pas un organe qui a besoin de tout ça. En fait, elle a besoin de peu, mais il faut quand même en prendre soin parce que nous vivons dans un monde hyper sympathique où la pollution, les lumières artificielles et le stress n’épargnent plus personne.
Mais point trop n’en faut. La priorité est déjà le lifestyle : ce que nous mangeons, buvons, notre activité physique et notre sommeil sont les piliers fondateurs. Viennent ensuite les cosmétiques, the cherry on the cake !
Lors du choix de cosmétiques, la première chose à laquelle prêter attention est le degré d’industrialisation du produit. Si les cosmétiques proviennent de supermarchés, il y a fort à parier qu’ils sont de piètre qualité. Plus on choisit des cosmétiques naturels et adaptés au type de peau, mieux ce sera. Vous pouvez par exemple faire un bilan de peau avec votre dermatologue, ou aller voir une esthéticienne bien formée pour découvrir les complexités et forces de votre peau. Vous serez ainsi en mesure de savoir quels produits sont faits pour vous, et ceux à absolument éviter.
Les masques au kéfir de lait
J’adore cette astuce beauté !
Les résultats commenceront à apparaitre au fil de plusieurs semaines d’application, mais ça vaut vraiment le coup et sur n’importe quelle zone (y compris quand il y a de l’eczéma ou psoriasis). Je suis une fan invétérée du kéfir de lait pour une multitude de problématiques. Bien qu’on ait l’habitude de l’utiliser en interne en le buvant, le kéfir peut aussi totalement être utilisé en compresse et en masque beauté. Il permet d’adoucir la peau, rendre le teint plus éclatant et lutte contre l’installation des espèces pathogènes grâce à son acide lactique.
A défaut, un yaourt peut faire l’affaire, mais il est loin d’être aussi riche en probiotiques que le kéfir de lait.
Les bains de boue (peloid therapy)
Peut-être avez-vous déjà entendu parler (ou même l'avez-vous testé) les bains de boue en institut de beauté. Ce n’est pas pour rien qu’ils sont pratiqués par les esthéticiennes, se sont de véritables soins de peau. La boue (donc la terre) est très riche en enzymes et probiotiques. Outre le fait que ce soit un moment pour soi hyper décontractant, la boue a un effet détoxifiant sur la peau et vient également la nourrir avec ses principes actifs organiques.
On peut le pratiquer chez soi si on a un bain, et c’est juste un régal.
Attention toutefois, certaines personnes devront s’abstenir de le pratiquer (ou demander l’avis du médecin avant) parce que les bains de boue sont déconseillés pour les personnes ayant des troubles cardiaques ou qui ont une peau très fragile.
Les cosmétiques 2.0
Avec toutes les découvertes du lien entre peau et intestin, le marché de la cosmétologie et de la beauté n’a pas attendu pour développer des produits à base de probiotiques (comme chez Gallinée ou Aurelia London). Parmi les produits que j'aime recommander, en voici quelques exemples :
Ces probiotiques sous formes de gélules permettent de lutter contre l'eczéma en apportant des souches spécifiques reconnues pour améliorer l'axe intestin-peau d'après des études cliniques sur l'Homme.
Adapté à toutes les formes de psoriasis, ce liquide riche en probiotiques se boit et donne de bons résultats même sur les formes sévères, en agissant sur la porosité intestinale.
Ce savon pour le corps est spécialement conçu pour les peaux psoriasiques, fait d'ingrédient naturels respectueux de la peau. Sa composition aide à lutter contre l'inflammation cutanée en douceur.
Il s'agit d'une brume riche en probiotiques, à appliquer avant de mettre sa crème hydratante (à laisser sécher avant), matin et soir.
Derniers petits tips…
Prendre soin de son microbiote cutané, c’est aussi tout simplement le laisser respirer et vivre. Pour ça :
- Porter des vêtements amples, en matière naturelle dès que possible
- Faire régulièrement de l’activité physique (la sueur participe à nourrir le microbiote de la peau)
- Prendre le soleil, pour son effet bactéricide sur les espèces pathogènes
- Faire des gommages, mais pas trop ! n’oubliez pas que la peau morte et le sébum sont un buffet pour nos bactéries bénéfiques
- Limiter son exposition aux écrans et lumières artificiels
- Faire des séances de lumière rouge
- Trainer dans la nature… Plage, forêt, montagne… Faire se rencontrer notre peau et son environnement natif le plus possible
Sources :
Grice, Elizabeth A, and Julia A Segre. “The skin microbiome.” Nature reviews. Microbiology vol. 9,4 (2011): 244-53. doi:10.1038/nrmicro2537
Byrd, A., Belkaid, Y. et Segre, J. The human skin microbiome. Nat Rev Microbiol 16 , 143-155 (2018). https://doi.org/10.1038/nrmicro.2017.157
Salem, Iman et al. “The Gut Microbiome as a Major Regulator of the Gut-Skin Axis.” Frontiers in microbiology vol. 9 1459. 10 Jul. 2018, doi:10.3389/fmicb.2018.01459
A PROPOS
Estelle Castellanos
Diététicienne-nutritionniste DE
Naturopathe
Fondatrice de la plateforme ATAVI
Santé fonctionnelle
FBCS
Spécialiste des maladies liées aux moisissures
Mycothérapeute certifiée