Le « syndrome de l’intestin irritable » (SII) : vrai diagnostic ?
Peut-on affirmer que le syndrome de l'intestin irritable est un vrai diagnostic ?
Vous avez peut-être reçu le diagnostic de « syndrome de l’intestin irritable » (SII), ou « côlon irritable », « colopathie fonctionnelle ». Tous ces termes sont interchangeables et désignent un syndrome dont souffrent beaucoup de personnes.
Connaissant bien les maladies intestinales, je n’ai jamais été satisfaite de ce diagnostic. Je pense qu’on ne creuse pas assez loin les recherches en médecine conventionnelle (à moins que vous soyez accompagné par un super gastro-entérologue !).
Pour rappel, un syndrome est un ensemble de symptômes. Il ne s’agit pas d’une maladie à proprement parlé (donc, pas un diagnostic franc). Ce sont des labels que l’on colle sur une symptomatologie, et pour lesquels les traitements ne sont pas clairement établis. Après tout, comment bien traiter sans creuser la cause ?
Toutefois, je ne dis pas qu’identifier le problème est chose facile, loin de là. D’ailleurs, c’est bien souvent un ensemble de phénomènes à l’œuvre.
Quoi qu’il en soit, sachez qu’il existe plusieurs types de syndrome de l’intestin irritable, et que le connaitre est déjà un bon point de départ. Nous avons quatre types :
- le syndrome de l’intestin irritable associé à de la diarrhée (SII-D)
- le syndrome de l’intestin irritable associé à de la constipation (SII-C)
- le syndrome de l’intestin irritable mixte (SII-M)
- le syndrome de l’intestin irritable inclassable (SII-U)
Donc, chacun des types de SII se désigne en relation avec l'expérience des selles. Certaines personnes atteintes du SII alterneront entre elles au fil du temps. Je vous les présente ici, mais voyons d’abord la question du diagnostic.
Comment se passe le « diagnostic » du SII ?
Bien qu'il existe plusieurs types de SII, dans la plupart des cas, ce sont les femmes qui sont les plus susceptibles de développer le syndrome (environ deux fois plus que les hommes). Il n'existe aucun test spécifique pour diagnostiquer définitivement le syndrome de l’intestin irritable. Votre médecin est susceptible de commencer par un historique médical complet, un examen physique et des tests pour exclure d'autres conditions, telles que la maladie cœliaque et les maladies inflammatoires de l'intestin (MICI) comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique (RCH). Une fois que les autres conditions auront été exclues, votre médecin utilisera probablement l'un de ces ensembles de critères de diagnostic du syndrome de l'intestin irritable.
Critères de Rome IV
Ces critères comprennent des douleurs et des troubles digestifs ayant eu lieu en moyenne au moins un jour par semaine au cours des trois derniers mois. Cela doit également se produire avec au moins deux des éléments suivants : Douleur et inconfort liés à la défécation, un changement dans la fréquence des défécations ou un changement dans la consistance des selles.
Douleur abdominale récurrente survenant en moyenne au moins 1 jour par semaine dans les 3 derniers mois avec au moins 2 des critères suivants : - Associée à la défécation. - Associée à une modification de la fréquence des selles. - Associée à une modification de la consistance (aspect) des selles. |
Les sous-groupes se définissent en fonction de la consistance des selles selon l’échelle de Bristol* (voir schéma ci-dessous) |
SII avec constipation prédominante (SII-C) : Bristol 1-2 ≥ 25 % du temps et Bristol 6-7 ≤ 25 % du temps |
SII avec diarrhée prédominante (SII-D) : Bristol 6-7 ≥ 25 % du temps et Bristol 1-2 ≤ 25 % du temps. |
SII avec alternance diarrhée-constipation (SII-M) : Bristol 1-2 25 % du temps et Bristol 6-7 25 % du temps. |
SII non spécifié : absence de critères suffisants pour répondre aux critères du SII-C, SII-D ou SII-M. |
Echelle de Bristol
Il s'agit d'un critère d'évaluation schématique des selles pertinent et utilisé depuis longtemps en médecine. Je ne répèterais jamais assez l'importance élémentaire de prêter attention à l'aspect de ses selles, mais aussi leur couleur et autres critères. Il s'agit d'un marqueur capital de santé et cela fait systématiquement partie de mes questions en consultations et de mes critères pour juger de votre évolution en suivi. Cette échelle fait partie intégrante de l'évaluation clinique pour le SII.
Les patients qui ont majoritairement des selles Bristol 1-2 sont plutôt de type SII-C, et ceux qui ont le plus souvent des selles Bristol 6-7 sont considérés SII-D. Les critères se réfèrent aux 3 derniers mois, et le début des symptômes doit dater de minimum 6 mois, et sans traitement pour ne pas altérer les observations cliniques.
Tests supplémentaires
Votre médecin peut recommander plusieurs tests, y compris des analyses de selles pour vérifier une éventuelle infection. Les études de selles peuvent également vérifier si votre intestin a du mal à absorber les nutriments (malabsorption). L'objectif est d'exclure d'autres causes de vos symptômes. La procédure de diagnostic différentiel peut inclure différents examens.
Examens physiques
- Coloscopie - Le médecin utilise un petit tube flexible pour examiner toute la longueur du côlon.
- TDM (scanner abdominal) - Ce test produit des images de votre abdomen et de votre bassin qui pourraient exclure d'autres causes de vos symptômes, surtout si vous avez des douleurs au ventre.
- Endoscopie haute - Un long tube flexible est inséré dans votre gorge et dans l'œsophage, qui est le tube reliant votre bouche et votre estomac. Une caméra à l'extrémité du tube permet à au médecin de visualiser votre tube digestif supérieur. Lors d'une endoscopie, on peut réaliser un prélèvement d'un échantillon de tissu (biopsie). Cet échantillon peut permettre de rechercher une prolifération de bactéries. Une endoscopie peut être recommandée en cas de suspicion de maladie cœliaque.
Les tests de laboratoire
- Tests d'intolérance au lactose - La lactase est une enzyme dont vous avez besoin pour digérer le sucre présent dans les produits laitiers, le lactose. Si vous ne produisez pas de lactase, vous pourriez avoir des problèmes similaires à ceux causés par le SII , notamment des douleurs abdominales, des gaz et de la diarrhée. Votre médecin peut aussi vous demander de retirer le lait et les produits laitiers de votre alimentation pendant plusieurs semaines afin de voir si vos symptômes disparaissent ou s'amenuisent.
- Test respiratoire pour la prolifération bactérienne - Un test respiratoire peut également déterminer si vous avez une prolifération bactérienne dans votre intestin grêle. La prolifération bactérienne est plus fréquente chez les personnes qui ont subi une chirurgie intestinale ou qui souffrent de diabète ou d'une autre maladie qui ralentit la digestion (mais il existe bien d'autres causes encore).
- Tests de selles. Vos selles pourraient être examinées pour détecter des bactéries, des parasites ou champignons et levures. Malheureusement, les tests prescrits en médecine classique sont insuffisants et loupent plein de choses.
Zoom sur les différents types de syndrome de l'intestin irritable
Comme nous l'avons vu, le syndrome de l'intestin irritable se divise en quatre types, en fonction de vos symptômes : constipation prédominante, diarrhée prédominante, mixte ou non classé.
Syndrome de l’intestin irritable avec diarrhée prédominante (SII-D)
Le SII-diarrhéique est la forme la plus courante du syndrome de l'intestin irritable. Il faut que plus de 25 % de vos selles soient molles et moins de 25 % dures et grumeleuses. Lorsque vous souffrez de SII-D, vous ressentez le besoin d'aller aux toilettes plus régulièrement et de façon plus impérieuse.
Les symptômes du SII-D incluent les suivants :
- Selles fréquentes
- Selles molles
- Excès de gaz
- Ballonnements et maux de ventre
- Troubles du sommeil
- Sentiment d'urgence
Syndrome de l’intestin irritable avec constipation prédominante (SII-C)
Cela fait référence au syndrome du côlon irritable avec constipation. Comme son nom l'indique, dans ce type de SII, vous rencontrez moins de selles et de la difficulté lors du passage des selles. Il s'agit d'un type courant de SII, environ 30 % des personnes atteintes de SII sont à dominante constipation. Pour recevoir le diagnostic de SII-C, au moins 25% de vos selles sont dures et grumeleuses et moins de 25% ont une consistance lâche.
Les symptômes du SII-C comprennent :
- Selles peu fréquentes
- Selles grumeleuses ou dures
- Forcer en passant une selle
- Une sensation de blocage dans l'anus ou le rectum
- Sensation de ne pas évacuer totalement
- Gaz, ballonnements et douleurs abdominales
Syndrome de l’intestin irritable mixte (SII-M)
Le SII-M est l'un des types de SII où vous souffrez à la fois de diarrhée et de constipation. Il est appelé syndrome de l'intestin irritable avec selles mixtes. Vous pouvez expérimenter de la constipation ou avoir la diarrhée car vos intestins accélèrent ou ralentissent à différents moments. Par exemple, vous pouvez être constipé le matin puis avoir une diarrhée inattendue l'après-midi.
Pour être diagnostiqué avec SII-M, vos selles sont à la fois dures et grumeleuses, ainsi que de consistance lâche, au moins 25% du temps.
Syndrome de l’intestin irritable inclassifiable (SII-U)
Le quatrième type de SII s'appelle SII-U, ou syndrome de l'intestin irritable non classé (unclassified). Ce type est livré avec un mélange de symptômes. Vous remplissez les critères pour recevoir un diagnostic de SII, mais vos symptômes n'appartiennent à aucune des trois catégories ci-dessus.
Autres SII
En outre, il existe deux sous-types supplémentaires de syndrome de l'intestin irritable, qui surviennent à la suite de maladies du tube digestif : le SII post-infectieux et le SII post-diverticulite.
Comment prendre en charge le syndrome de l'intestin irritable ?
Avec tous les types de SII, le traitement dépend de vos symptômes et déclencheurs spécifiques. Cependant, il existe quelques changements de style de vie simples qui entraînent des améliorations pour tous les cas.
L'activité physique
La recherche montre que des exercices aérobies modérés peuvent aider à améliorer tous les types de SII. Cela inclut des exercices comme le vélo ou la marche rapide. Si votre SII se déclenche avec le stress, l'exercice peut également vous aider à gérer la tension et l'anxiété qui y sont liées. Il a également la capacité de normaliser les contractions de votre gros intestin, ce qui peut soulager la constipation.
Arrêter de fumer
La nicotine peut stimuler votre côlon et entraîner une diarrhée. D'autre part, la recherche montre qu'il peut également ralentir les contractions du côlon chez certaines personnes et provoquer la constipation. Outre la nicotine, la cigarette contient bien d'autres composés néfastes, à commencer par des métaux lourds. Les métaux lourds ont la capacité de remplacer des minéraux et oligo-éléments dans notre corps (particulièrement l'intestin) ce qui fait dysfonctionner nos enzymes et notre système immunitaire. Cela aura pour conséquence d'empêcher le bon déroulement de la digestion, et donc d'induire des symptômes.
Changements alimentaires
La nourriture que vous mangez affecte vos selles. De plus, certains aliments peuvent déclencher vos symptômes du SII. Il est utile de tenir un journal alimentaire afin de suivre tout ce que vous mangez quotidiennement et tout symptôme du SII qui survient après avoir mangé. Ainsi, vous pouvez apporter des modifications éclairées à votre alimentation. La diète FODMAPs est la plus recommandée et communément admise scientifiquement, cependant, elle peut être insuffisante dans bien des cas. Il convient donc de trouver ce qui conviendra à votre corps, même si ça sort des sentiers battus aux perspectives étriquées.
La gestion du stress
Le stress peut aggraver le SII, je dirais même qu'il en est bien souvent à l'origine pour avoir eu en consultations bon nombre de patients présentant ce syndrome. Je dis souvent affectueusement à mes patients : "vous sentez, vous vivez à travers vos tripes". Bien qu'il soit impossible d'éliminer totalement le stress, il est toutefois important d'apprendre à le gérer et également à travailler sur ses traumatismes. Vous pouvez essayer de travailler avec un thérapeute, de commencer un nouveau passe-temps ou de pratiquer la pleine conscience et la méditation, parmi tant d'autres.
Médicament
Selon le type de SII dont vous souffrez, il existe également des médicaments en vente libre et sur ordonnance qui peuvent soulager vos symptômes. Bien sûr, vous devriez consulter un professionnel de la santé avant de prendre tout médicament.
Ma méthode de prise en charge du syndrome de l'intestin irritable
Comme je vous le disais plus haut, je ne me satisfais pas du terme "syndrome". En fait, je pars du principe que le corps est merveilleusement bien fait. Tout symptôme s'interprète comme un indice de quelque chose qui se joue en fond, à identifier. Pour ce faire, il faut enquêter, et c'est ma partie préférée de mon travail. Tout a une explication, par contre il peut être difficile de la trouver, ou cela peut prendre du temps. Donc, armez-vous de patience et entourez-vous de professionnels compétents pour une approche pluridisciplinaire.
En règle générale, le syndrome de l'intestin irritable, peu importe son type, cache bien souvent une dysbiose, de la porosité intestinale, un dysfonctionnement du système nerveux entérique, un trauma à la fois physique ou émotionnel, la présence d'éléments toxiques (métaux lourds, glyphosate, consommation d'additifs alimentaires…), des dérèglements hormonaux et immunitaires, un manque de sécrétions digestives, beaucoup trop de stress (et donc des mesures à prendre), des carences nutritionnelles… L'exploration est par conséquent vaste !
Bref, faisons une enquête de terrain approfondie ensemble, ou rejoignez-moi sur ATAVI 😉
A PROPOS
Estelle Castellanos
Diététicienne-nutritionniste DE
Naturopathe
Fondatrice de la plateforme ATAVI
Santé fonctionnelle
FBCS
Spécialiste des maladies liées aux moisissures
Mycothérapeute certifiée