Maladie des implants mammaires et syndrome ASIA
La possibilité que des implants mammaires puissent générer des problèmes de santé est un sujet de discussion scientifique de longue date. Cette thématique fait débat depuis des décennies, mais ce n’est que depuis quelques années qu’on observe aux USA la montée en puissance des plaintes des femmes concernées, qui se sont aperçues avoir déclenché un ensemble de symptômes à la suite d’une pose de prothèses mammaires, plus ou moins rapidement. Le phénomène a notamment été permis et amplifié par les réseaux sociaux, ce qui n’a pas manqué de donner de l’eau au moulin de ceux en faveur des implants, critiquant le mouvement. Les prothèses mammaires peuvent être posées à visée esthétique ou à la suite d’une ablation, comme dans le cadre d’un cancer du sein, ou pour malformation. Cet ensemble de symptômes est regroupé par les patientes et certains professionnels sous la dénomination de « maladie des implants/prothèses mammaires » (breast implant illness ou BII). L’ensemble des symptômes a été lié au syndrome ASIA (autoimmune/inflammatory syndrome induced by adjuvants) ou syndrome de Shoenfeld. Actuellement, cette maladie n’est pas reconnue comme un diagnostic médical officiel. Il n’y a pas de consensus scientifique mais beaucoup de femmes et de praticiens en sont persuadés, leurs implants les ont rendues malades. Devez-vous vous inquiéter si vous êtes concernée ?
Les implants mammaires
Il existe plusieurs types de prothèses mammaires :
- Les prothèses en silicone (remplies d’un gel de silicone)
- Les prothèses de solution saline
- Les prothèses remplies d’hydrogel (eau + solution sucrée)
Les formes et textures sont aussi variables selon le résultat souhaité.
En 2010, l’Afssaps (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) décide de retirer du marché les prothèses mammaires du fabricant des PIP (Poly Implant Prothèse). En effet, grâce au travail d’investigation d’un journaliste, ainsi qu’à la dénonciation d’anciens employés du groupe, l’Afssaps a fini par mettre le nez dans les affaires du PDG. Les types de silicone utilisés pour fabriquer le gel à destination des implants étaient tout simplement frauduleux et non déclarés. Le PDG avait fait le choix de falsifier les documents officiels. Chose importante à savoir également, les produits de santé ne subissent pas les mêmes contrôles que la mise sur le marché d’un médicament… La manœuvre est facile !
Vous pouvez en apprendre davantage ici : Les prothèses mammaires PIP : les données du scandale.
De plus, les effets secondaires potentiels des implants mammaires en silicone bien connus sont la contracture capsulaire, les réactions allergiques et les maladies auto-immunes, ainsi qu’une forme rare de cancer du système lymphatique (Lymphome Anaplasique à Grandes Cellules associé à l’implant mammaire, dit LAGC-AIM) que soulignent les experts de l'Institut national du cancer en février 2019 :
Il existe un lien clairement établi entre la survenue de cette pathologie et le port d’un implant mammaire.
Le groupe souligne que la fréquence de cette complication est cependant très faible.
Compte-tenu de la difficulté à déterminer le nombre de femmes porteuses d’implants mammaires, et de la sous-notification potentielle des cas de LAGC-AIM, l’estimation de son risque ne peut être que très approximative. Il est variable selon les études et les pays. En France, actuellement, une dizaine de cas est recensée chaque année. Parallèlement, environ 67 000 implants y sont vendus en moyenne annuellement.
Le syndrome ASIA ou de Shoenfeld
Le Professeur israélien Yehuda Shoenfeld, médecin et chercheur dans le domaine de l’auto-immunité, a proposé en 2011 une définition de ce syndrome ASIA (ou syndrome de Shoenfeld), accompagné de sa consœur le Professeur Nancy Agmon-Levin. Ils ont alors érigé les critères diagnostiques suivants :
Pour qu’un syndrome ASIA soit cliniquement envisageable, il faut réunir soit :
- Deux critères majeurs
- Soit 1 critère majeur + 2 critères mineurs.
Tout problème de santé qui se déclarerait après utilisation d'un adjuvant (silicone, sels d'aluminium, agents infectieux…) pourrait donc être analysé à la lumière des critères ASIA, y compris les implants mammaires. C'est ce qu'ont souhaité faire des chercheurs.
La cohorte de Maastricht
En 2016, Maartje J.L. Colaris et son équipe publient une étude comparative qui reprend une cohorte de 1994, la Baylor College Cohort. Les chercheurs ont souhaité reprendre les symptômes rapportés à la lumière des critères ASIA créés en 2011. Ils souhaitaient examiner si le terme "adjuvant breast disease" de la cohorte de 1994 désignait la même chose que "Silicon Implant Incompatibility Syndrome" dans celle de 2014. L'hypothèse était que, malgré l'évolution positive de la qualité du silicone utilisé pour les implants mammaires, en raison du durcissement de la législation, cela n'empêchait pas de déclarer des problèmes de santé.
Comparaison des cohortes de Baylor College et Maastricht
Pour ce faire, ils ont analysé les manifestations locales et cliniques :
Il faut noter que pour chaque cohorte, les implants provenaient de différentes entreprises, mais étaient tous constitués de gel de silicone. Il a été conclu que les manifestations cliniques rapportées entre les deux cohortes étaient comparables sur plusieurs points :
Egalement, ont été retrouvées d'autres manifestations dans les deux cohortes : syndrome de Raynaud, syndrome de l'intestin irritable, infections respiratoires récurrentes, cystites récidivantes, livedo reticularis, allergies, et de façon plus anecdotique d'autres troubles (perte de cheveux, syndrome dépressif, céphalées…). Les sérologies révélaient aussi des anomalies (immunoglobulines notamment, mais moindre dans la cohorte de Maastricht, très certainement en raison d'une amélioration de la qualité du silicone utilisé).
Sur les 54 participants à la cohorte de Maastricht ayant fait retirer leurs implants, 50 % (n=27) ont eu des améliorations de leurs symptômes.
Un syndrome fibromyalgique ?
Dans les 18 autres cohortes incluses dans l'analyse, les mêmes manifestations étaient retrouvées. Ainsi, malgré les normes toujours plus strictes en matière de qualité du silicone, les auteurs concluent que la qualité n’est pas le problème, mais bien le silicone lui-même qui semblerait se répandre dans l’organisme et générer des réactions stimulantes à l'encontre du système immunitaire :
Nous proposons que chez les patientes souffrant d'un ASIA dû à un SIIS, l'implant mammaire pourrait être le stimulus nociceptif*. Le stimulus nociceptif (silicone) en combinaison avec l'inquiétude considérable concernant la sécurité de l'implant mammaire provoque une perturbation de la voie de signalisation de la douleur et une stimulation excessive des neurotransmetteurs dans le système nerveux central et, par conséquent, des plaintes systémiques. Toutefois, une différence majeure entre la fibromyalgie idiopathique et la fibromyalgie induite par le silicone est la cooccurrence d'une déficience immunitaire et/ou d'une auto-immunité au cours du suivi des patients atteints d'un ASIA dû au SIIS.
*Concept concernant l’ensemble des structures nerveuses et des mécanismes impliqués dans la détection, la transmission et le traitement de la douleur. Dictionnaire Académie de Médecine
En définitive...
Les manifestations pathologiques ne sont pas forcément immédiates, ni obligatoires. Toutes les femmes portant des implants mammaires ne déclenchent pas forcément de problèmes de santé, et il est important de le souligner. Toutefois, il existe également des femmes qui déclenchent des symptômes, dont la survenue est bien souvent des années après la pose, et pour lesquelles le rapprochement n'est pas fait. C'est pourquoi il me semblait nécessaire d'écrire cet article. Une prothèse mammaire, comme n’importe quel corps étranger dans l’organisme, reste… un corps étranger. A ce titre, des réactions sont possibles. J'ai eu l'occasion d'avoir en consultation des femmes qui portaient des prothèses mammaires et présentaient des problèmes de peau (acné, psoriasis, eczéma), de la fatigue, anxiété et nervosité, troubles du sommeil, une baisse de libido et inflammation généralisée (gain de poids, douleurs articulaires). On pourrait penser que le retrait des implants suffirait à supprimer les symptômes, mais ce n’est pas toujours le cas. Du moins, il est important de se pas se contenter de l’explantation.
Sources :
Shoenfeld, Yehuda, and Nancy Agmon-Levin. “'ASIA' - autoimmune/inflammatory syndrome induced by adjuvants.” Journal of autoimmunity vol. 36,1 (2011): 4-8. doi:10.1016/j.jaut.2010.07.003
Colaris, Maartje J L et al. “Two hundreds cases of ASIA syndrome following silicone implants: a comparative study of 30 years and a review of current literature.” Immunologic research vol. 65,1 (2017): 120-128. doi:10.1007/s12026-016-8821-y
Shoaib, B O et al. “Adjuvant breast disease: an evaluation of 100 symptomatic women with breast implants or silicone fluid injections.” The Keio journal of medicine vol. 43,2 (1994): 79-87. doi:10.2302/kjm.43.79*
Cohen Tervaert, J W, and R M Kappel. “Silicone implant incompatibility syndrome (SIIS): a frequent cause of ASIA (Shoenfeld's syndrome).” Immunologic research vol. 56,2-3 (2013): 293-8. doi:10.1007/s12026-013-8401-3
A PROPOS
Estelle Castellanos
Diététicienne-nutritionniste DE
Naturopathe
Fondatrice de la plateforme ATAVI
Santé fonctionnelle
FBCS
Spécialiste des maladies liées aux moisissures
Mycothérapeute certifiée