Je suis actuellement en congés jusqu'au 11 août inclus. Je ne manquerai pas de vous répondre dès mon retour. Bel été ! ☀  

L’épuisement des surrénales existe-t-il ?

Publié le 2 août 2024

En 2002 est publié le livre Adrenal fatigue : the 21st century stress syndrome. Son auteur, James L. Wilson, introduit la notion de fatigue des glandes surrénales dans la communauté des médecines alternatives. Selon Wilson, une panoplie de signes et symptômes peuvent être attribués à un syndrome d’épuisement des glandes surrénales, induisant une difficulté de ces dernières à produire suffisamment de cortisol pour faire face à un trop grand stress. L’idée est que, suite à une exposition chronique et importante de stress, nos glandes surrénales produiraient d’importantes quantités de cortisol. Finalement, elles finiraient par être épuisées et ne plus en produire assez, faisant le nid des divers symptômes de la fatigue chronique ou du burn-out. Bien que ces symptômes soient réels et que les examens médicaux puissent révéler des anomalies hormonales, nous allons voir que les conclusions de la recherche présentent d’autres explications quant aux origines du syndrome.

La théorie de la fatigue des surrénales

Le syndrome

Précisons d’abord qu’il existe des maladies propres aux glandes surrénales et reconnues par les sociétés savantes d’endocrinologie telles que :

  • L’insuffisance surrénalienne secondaire : d’origine hypothalamique ou hypophysaire (défaillance en ACTH le plus souvent)
  • La Maladie d'Addison : glandes surrénales hypoactives en raison d’une auto-immunité, tumeur, infection ou autre maladie identifiée. La production hormonale totale est altérée, notamment le cortisol et l’aldostérone.

Ces affections altèrent la production d’hormones surrénales, en particulier de cortisol. La théorie de la fatigue surrénale concerne un autre phénomène : celui d’une hyperactivité puis hypoactivité des glandes surrénales, consécutives à un stress intense répété. Les glandes se détérioreraient et cela induirait :

« Fatigue, insomnie, dépression, anxiété, perte de libido, pauvre tolérance au stress, mauvais sommeil, apathie, fringales de sucre et de sel, infections répétées, maux de tête, difficulté à cicatriser, cycles menstruels irréguliers, diarrhée, constipation, perte de cheveux, palpitations, extrémités froides, difficulté de thermorégulation, hypoglycémie, difficulté à effectuer les taches journalières, manque d’énergie, intolérances alimentaires, allergies etc »

James Wilson écrit : « La fatigue surrénale regroupe un ensemble de signes et symptômes (un syndrome) qui se produisent lorsque les glandes surrénales fonctionnent en-deçà du niveau nécessaire. La fatigue surrénalienne se produit quand les glandes surrénales ne parviennent plus à assurer la demande face au stress ».

Adrenal fatigue : the 21st century stress syndrome

Le vol de prégnénolone

Bien souvent, la sphère de la médecine fonctionnelle appuie cette théorie avec le « vol de prégnénolone » (pregnenolone steal). Cette hypothèse du « vol de prégnénolone » avance l’idée que le corps dispose d’une hiérarchie de production hormonale bien précise et que les hormones « en bas de la chaîne » ne pourraient pas être produites si tout le métabolisme est mobilisé pour la synthèse de cortisol. Cela conduirait éventuellement à des carences multiples en hormones stéroïdiennes comme la testostérone, les œstrogènes ou la DHEA.

Comme on peut l’observer sur ce schéma, la prégnénolone représente un carrefour métabolique qui peut devenir soit cortisol soit DHEA, ce qui permettrait d’expliquer la baisse de la DHEA concomitante à la hausse du cortisol souvent observées lors des études ou en consultation. Cette théorie date de plusieurs années mais est encore utilisée en médecine fonctionnelle. Généralement, la personne est supplémentée en prégnénolone et/ou DHEA, et autres éléments comme des nutriments. Mais bien souvent, les patients ont peu d’amélioration de leur syndrome malgré des taux qui remontent dans les analyses.

Cette synthèse est gouvernée par de multiples régulateurs qui se trouvent en dehors des glandes surrénales. Cela n’a rien à voir avec un pool en prégnénolone, et d’ailleurs, il n’existe pas qu’un seul pool de prégnénolone. Plusieurs cellules surrénaliennes sont capables de synthétiser différentes hormones stéroïdiennes. En fait, la recherche montre que les surrénales suivent très bien la cadence de production face au stress et ont la capacité de s’adapter anatomiquement à la charge de travail en augmentant leur taille. L’activité enzymatique de synthèse de la DHEA est régulée à la baisse lorsque l’ACTH est présente en grandes quantités (stress) pour donner la priorité au cortisol, mais cela est régi par le cerveau, pas des surrénales épuisées.

Alors, comment expliquer que le test salivaire du cortisol et autres hormones d’une personne présentant ces symptômes révèlent des taux hormonaux faibles voire effondrés ?

L’épuisement des surrénales est-il démontré par la science ?

Une revue systématique de 2016 s’est penchée sur la question en analysant les méthodologies d’analyses utilisées pour étudier l’appréciation d’une éventuelle fatigue surrénale :

  • Le Cortisol Awakening Response (CAR) : pour évaluer l’axe HHS. Cette méthode est fondée sur le fait que les niveaux de cortisol augmentent en moyenne de 50 % dans les 30 min après le réveil. C’est une réponse physiologique pour être alerte. Si le CAR est émoussé, il donnera des symptômes de fatigue. Le cortisol est prélevé au réveil et 30 min après, et la différence entre les deux est analysée (delta cortisol).
  • Une autre méthode qui est devenue de plus en plus utilisée pour évaluer l’épuisement/burnout/fatigue est le Salivary Cortisol Rhythm (SCR). Cette mesure évalue les changements des niveaux de cortisol entre le matin, l’après-midi et la soirée. Dans 61,5 % des études l’ayant utilisé, ce marqueur ne parvenait pas à montrer une différence entre le groupe de personnes fatiguées chroniques et le groupe témoin.          
  • The Direct Awakening Cortisol (DAC) : collecté à l’exact moment du réveil. Ce marqueur donne davantage d’indications sur la qualité du sommeil que sur le syndrome de fatigue chronique.
  • Le test de suppression à la dexaméthasone
  • L’ACTH : des niveaux élevés arrivent tôt en cas d’insuffisance surrénalienne primaire, alors que des niveaux normaux en présence d’un cortisol faible sont trouvés dans l’insuffisance surrénalienne secondaire, donc, des situations pathologiques reconnues.

Il a été constaté que, malgré le nombre important d’études disponibles sur le sujet, chacune avait utilisé diverses méthodes d’analyse. Il existe donc une grande hétérogénéité dans l’appréciation de la fonctionnalité surrénalienne. Cela indique qu’il existe encore clairement des divergences au sein même de la communauté scientifique concernant la façon d’appréhender les symptômes de fatigue chronique.

Finalement, ces études évaluaient les valeurs hormonales mais aucun biomarqueur spécifique n’a jamais été identifié. Il n’existe aucune preuve scientifique d’une altération anatomique des glandes surrénales qui pourrait expliquer ce faible cortisol observé chez des individus chroniquement stressés. Le problème viendrait-il d’ailleurs ?

Troubles du cortisol : mécanisme de protection ?

Le syndrome de fatigue chronique existe. Nous ne pouvons pas nier que des personnes souffrent et présentent des symptômes très similaires. En revanche, les mécanismes biologiques ont été mal compris. Nous disposons désormais de pistes plus précises.

Les effets du stress sur le cerveau

Le cortisol est une hormone catabolique. Elle mobilise les réserves énergétiques, notamment nos tissus maigres, pour faire face à la menace et ainsi préserver notre survie. Le cerveau est tout particulièrement sensible à son action. Pour contrer ce phénomène, nous disposons de la DHEA, une autre hormone surrénalienne qui aura des effets neuroprotecteurs. Normalement, chez un sujet sain, la sécrétion du ratio cortisol/DHEA est gérée par notre rythme circadien et dans des proportions saines pour maintenir l’homéostasie. Cependant, on observe souvent chez le sujet stressé à un stade avancé que ce ratio est déséquilibré, avec une DHEA très basse. C’est cette observation qui a donné lieu à l’hypothèse du vol de prégnénolone puisque le cortisol serait synthétisé en priorité, au détriment de la DHEA.

Notre cerveau nous permet de déterminer quelles sont les menaces pour nous-même selon les informations qu’il perçoit. Cela peut être très variable d’une personne à l’autre et hautement façonné par nos propres expériences personnelles. L’initiation de la réponse adaptative au stress prend racine à partir de l’hypothalamus et glande pituitaire, système qui gouverne les surrénales.

Après un facteur de stress, le corps doit rééquilibrer les choses puisqu’il a subi un « coût métabolique ». Si ce facteur de stress (ou plusieurs) est répété, on parle de charge allostatique. La charge allostatique est comme un compte en banque sur lequel on retire de l’argent sans réapprovisionner le compte. Ce phénomène s’accumule car le stress est constant et que le corps ne bénéficie plus de répit pour se rééquilibrer face à son environnement. Ainsi, par mécanisme d’adaptation, le cerveau diminuerait la production de cortisol via l’axe HHS afin de se protéger de ses effets cataboliques.

L’inflammation

Le cortisol est un puissant anti-inflammatoire puisqu’il est immunosuppresseur. Son rôle est absolument vital dans la modulation de l’immunité face au stress ponctuel. Cependant, un stress chronique provoque une immunosuppression elle aussi chronique. Les cytokines pro-inflammatoires telles que les interleukines 1, 6 et TNF-alpha agissent directement sur l’hypothalamus pour augmenter la production de cortisol. De façon répétée, cela va diminuer la charge allostatique dont nous avons parlé. N’oublions pas que le stress n’est pas forcément l’apanage du mental. De nombreuses choses peuvent perturber l’homéostasie (infection chronique, dysbiose, auto-immunité, métaux lourds…). La détection chronique d’un pathogène ou toxines va induire une stimulation répétée de l’axe HHS pour contrôler l’inflammation.

L’inflammation du tissu adipeux est un cas très intéressant. Le tissu adipeux est capable de générer ses propres cytokines pro-inflammatoires. L’enzyme 11 B-HSD régule la conversion de cortisone (forme inactive) en cortisol (forme active). Lorsque les analyses révèlent une baisse significative du cortisol, c’est en fait parce que le corps le convertit en cortisone par mécanisme de protection afin d’éviter les désagréments d’un hypercorticisme chronique. L’excès de tissu adipeux, notamment celui viscéral, peut aussi réactiver le cortisol, indépendamment des glandes surrénales. Mais ce cortisol produit par le tissu adipeux n’entre pas dans le rétrocontrôle négatif de l’axe HHS, il n’y a donc aucun contrôle dessus.

Le foie possède également cette enzyme pour faire la conversion, et s’il est inflammé, il peut également effectuer cette conversion réversible. Cette conversion extra-surrénalienne peut alors expliquer les taux de cortisol mesurés dans les analyses salivaires, sanguines et urinaires.

Une perturbation du rythme circadien

Nous pouvons également fabriquer trop de cortisol à des moments inadéquats. La perturbation du rythme circadien joue un très grand rôle dans les déséquilibres hormonaux. Typiquement, le tandem cortisol/mélatonine est perturbé. La perte d’un rythme normal du cycle jour/nuit perturbe nos gènes régulateurs de notre horloge biologique. Les personnes au sommeil perturbé ont plus de chance de développer des troubles de la glycémie, du poids et maladies cardiovasculaires. Normalement, le cortisol est au plus bas en soirée afin de favoriser la hausse de la mélatonine pour préparer l’endormissement. Une mauvaise hygiène de vie, le stress, une alimentation inadaptée, un travail posté peuvent tous provoquer des taux anormaux de cortisol en fin de journée et empêcher la mélatonine d’être sécrétée suffisamment.

Une mauvaise nuit pourra aussi affaiblir la sécrétion biologique de cortisol qui est censée se produire en fin de nuit et au réveil. On expérimente alors une fatigue dès le lever, non pas parce que les glandes surrénales ne savent plus travailler, mais par altération de notre horloge biologique interne.

Un déséquilibre glycémique

Etant donné le rôle hyperglycémiant du cortisol, l’apparition d’hypoglycémies réactionnelles en période de stress est logique. Ce schéma, répété continuellement si rien n’est entrepris, mobilise énormément notre masse maigre (catabolisme) et favorise notre masse grasse. On observe logiquement une hausse de l’appétence pour le sucre en situation de stress. Eventuellement, une résistance à l’insuline peut s’installer, parfois jusqu’au diabète de type 2. Il est ainsi capital de gérer son stress, mais également d’organiser son alimentation de sorte que les repas et leur composition en macronutriments permettent une meilleure gestion de la glycémie.

Conclusion

Finalement, aucune étude ne supporte la théorie selon laquelle les glandes surrénales atteindraient un point d’épuisement tel que la production de cortisol serait altérée. En réalité, les tissus périphériques semblent impliqués dans sa conversion en forme inactive (cortisone) par mécanisme de protection face au stress. Il ne fait nul doute que le syndrome de fatigue chronique, le burn-in et burn-out sont des états avérés cliniquement, mais il convient de comprendre réellement d’où vient le problème pour mieux l’appréhender : une dysfonction de l’axe HHS induisant un hypocortisolisme, mais non une insuffisance surrénalienne. La prise de glandes surrénales animales ou plantes adaptogènes peut seconder un certain temps, mais traiter la cause du déséquilibre demeure la priorité. Rappelons que l’insuffisance surrénalienne (primaire ou secondaire) n’est pas concernée par ces conclusions et nécessite un traitement médical.

Un programme sur la "fatigue surrénale" !

Ayant expérimenté moi-même ce déséquilibre du cortisol, je suis en mesure de comprendre parfaitement ce par quoi vous passez si cela vous concerne. La méthode que j'ai utilisée pour m'en sortir est condensée dans mon programme Vaincre POUR DE BON la fatigue surrénale, disponible ici !

Sources :

Miller WL, Auchus RJ. The molecular biology, biochemistry, and physiology of human steroidogenesis and its disorders. Endocr Rev. 2011 Feb;32(1):81-151. doi: 10.1210/er.2010-0013. Epub 2010 Nov 4. Erratum in: Endocr Rev. 2011 Aug;32(4):579. PMID: 21051590; PMCID: PMC3365799.

Cadegiani FA, Kater CE. Adrenal fatigue does not exist: a systematic review [published correction appears in BMC Endocr Disord. 2016 Nov 16;16(1):63]. BMC Endocr Disord. 2016;16(1):48. Published 2016 Aug 24. doi:10.1186/s12902-016-0128-4

Danhof-Pont MB, van Veen T, Zitman FG. Biomarkers in burnout: a systematic review. J Psychosom Res. 2011 Jun;70(6):505-24. doi: 10.1016/j.jpsychores.2010.10.012. Epub 2011 Jan 7. PMID: 21624574.

Fries E, Hesse J, Hellhammer J, Hellhammer DH. A new view on hypocortisolism. Psychoneuroendocrinology. 2005 Nov;30(10):1010-6. doi: 10.1016/j.psyneuen.2005.04.006. PMID: 15950390.

Oosterholt BG, Maes JHR, Van der Linden D, Verbraak MJPM, Kompier MAJ. Burnout and cortisol: evidence for a lower cortisol awakening response in both clinical and non-clinical burnout. J Psychosom Res. 2015 May;78(5):445-451. doi: 10.1016/j.jpsychores.2014.11.003. Epub 2014 Nov 8. PMID: 25433974.

Guilliams, T. (2020). The Role of Stress and the HPA Axis in Chronic Disease Management : Principles and Protocols for Healthcare Professionals. Point institute. https://www.pointinstitute.org/product/the-role-of-stress-and-the-hpa-axis-in-chronic-disease-management-second-edition/

Tae Won Kim, Jong-Hyun Jeong, Seung-Chul Hong, "The Impact of Sleep and Circadian Disturbance on Hormones and Metabolism", International Journal of Endocrinology, vol. 2015, Article ID 591729, 9 pages, 2015. doi.org/10.1155/2015/591729

Krishnadas R, Cavanagh J. Depression: an inflammatory illness?Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry 2012;83:495-502.

Hutchison AT, Wittert GA, Heilbronn LK. Matching Meals to Body Clocks-Impact on Weight and Glucose Metabolism. Nutrients. 2017 Mar 2;9(3):222. doi: 10.3390/nu9030222. PMID: 28257081; PMCID: PMC5372885.

HAUT DE PAGE

A PROPOS

Estelle Castellanos
Diététicienne-nutritionniste DE
Naturopathe
Fondatrice de la plateforme ATAVI
Santé fonctionnelle
FBCS
Spécialiste des maladies liées aux moisissures
Mycothérapeute certifiée

Prendre Rendez-vous

Article récents

Publié le 27 décembre 2021
Publié le 20 novembre 2021
Publié le 13 novembre 2021
Publié le 15 septembre 2021
Publié le 31 mars 2021
Publié le 31 mars 2021
Publié le 31 mars 2021
Publié le 31 mars 2021
crosschevron-downarrow-up-circle